Bon.
Bon bon bon bon bon…
Il est peut-être (certainement) temps de faire un bilan de ce bout d’internet qui m’a suivie pendant des années.
Je n’aurais pas cru, en revenant, presque un an d’inactivité auteuristique plus tard, voir encore des gens y faire un tour.
Mais bon. J’imagine que ces écrits sont restés dans les mémoires de quelques-uns.
J’ai même eu une fois un enfoiré de première qui m’avait insultée en commentaire pasque selon lui j’étais un enfoiré de soignant.
Bon, pas d’bol, j’suis autant un soignant que Macron un islamogauchiste. C’est vous donner une idée du niveau d’aberration.
Avec le recul, j’ignore si je me souviens correctement de l’essentiel de mes discours du temps où ce lieu était actif, mais je pense que j’en retirerais sans doute beaucoup, à présent.
Les choses ont eu le temps de changer. Et les confinements n’ont d’ailleurs pas arrangé ma stabilité mentale, mon identité personnelle et mes certitudes d’alors. Et ce n’est pas forcément une mauvaise chose.
Depuis les premiers articles, les violences médicales perpétrées par des infirmiers et infirmières psy dans le cadre de leur… Encadrement de ma personne (et ne parlons pas des psychiatres) ont cessé d’être des banalités et des nécessités sans lesquelles j’aurais survécu.
Clairement, même à l’époque je gardais une amertume constante de m’être faite reprendre par une infirmière psy au moment de la queue pour récupérer la confiture et la dose de beurre du petit-déjeûner « pasque j’avais pas dit bonjour », omettant (sciemment) le fait que j’étais tellement bourrée de neuros sédatifs, anxios, somnifères et traitements de fonds au max en tous genre qu’il m’était difficile de ne pas m’assoupir en m’asseyant. L’humiliation.
Pourtant jusqu’aux dernières années (en gros 2019) j’avais du mal à voir cela autrement que comme une impolitesse de ma part. En tout cas à le formuler comme tel.
De la même manière, dire que j’ai été QUELQUE PEU marquée par ma mise en isolement en 2014 est un euphémisme. Cela fera bientôt 7 ans et j’en cauchemarde chaque année à la période anniversaire.
On pourrait aussi parler de cette manie que je garde depuis ma toute première hospitalisation, de ne jamais franchir la porte du CMP pour un rendez-vous avec mes bagues, ma montre ou des effets personnels auxquels je tiens trop fort. « Au cas où… »
Au cas où le psychiatre déciderait de m’hospitaliser contre mon gré depuis son cabinet, bien sûr.
J’ai pourtant toujours eu (et ai toujours) de bons contacts avec mes psy : je parle leur langage, et j’ai toujours consciemment tenu le discours qu’ils voulaient me voir dire. C’est d’ailleurs ce qui m’a évité des hospis longues, la plus interminable n’ayant fait « que » trois semaines.
De l’art de savoir manier la langue et de savoir où se situe la ligne rouge, de savoir ce qui doit être tu et correctement dissimulé pour ressortir plus vite.
Je l’avais compris dès mes 16 ans… En HP règne l’arbitraire au nom du soin, alors arrange-toi pour louvoyer. On ne lutte pas contre une pareille institution.
Eh ben, même avec tout ça (et tant et plus hin…on pourrait parler aussi de ma décision (dont j’ai beaucoup parlé ici-même) d’avoir des injections plutôt que des cachets : la servitude volontaire plutôt qu’une servitude pire car forcée et d’autant plus coercitive.)…
Même avec tout ça, j’ai tenu ce discours qui consistait à se dire que, ma foi… Comment faire autrement ? faut bien nous soigner, et pis les soignants z’ont pas de moyens (ce qui est vrai certes), et pis le monde est empli de bonne volonté (oui aussi, mais c’est pas le propos en fait).
J’ai joué, jusqu’ici mon rôle de petite patiente modèle qui faisait tout bien pour ne pas choquer qui que ce soit. Parce que sinon c’était avouer que j’avais reçu ma part de coups au moral, ma part de dégradations corporelles et mentales inutiles… Ce qui est pourtant le résumé de ma vie jusqu’à présent.
J’ai joué ce rôle, parce que j’ai été dressée à être cette patiente-modèle. J’avais appris à gober des médicaments avant même de savoir lire, écrire et compter : épileptique depuis l’âge de deux ans, et pas le genre de cas facile, le genre à être envoyée en urgence depuis Alençon à Paris (St Vincent de Paul, TMTC) pour être suivie par des pontes de la neuropédiatrie. Le genre de professeur bardé de diplômes (plômes) au point de s’en être fait une robe de mariée.
Sauf que ça n’a pas pu tenir jusqu’à aujourd’hui.
C’aurait pu, remarquez.
Et ça tient encore de manière branlante hin, d’ailleurs.
C’est compliqué de prétendre faire un acte, à ma petite manière, de militantisme autour de la situation des fous, des cinglés, des weirdos, des psychotiques, etc… Sans avoir eu de formation militante ou d’accès aux connaissances critiques.
Ben oui, vous croyez quoi ? Cela fait maintenant 7 ans que je n’ai plus lu de livre. Lire un article de presse est déjà extrêmement fastidieux. Je me nourris essentiellement de vidéos YouTube.
Et comment faites-vous pour avoir accès au savoir critique sans livre, ni accès aux études supérieures, et qu’en plus vous êtes de toute façon hors du champ social traditionnel, totalement inapte au travail par la force des choses ?
Comment vous vous liez aux forces des luttes, fussent-elles pour nos droits de tarés en tous genres si vous n’avez ni les clefs méthodologiques, ni les concepts maîtres, ni l’expérience concrète de l’exploitation, ni la légitimité, ni les lieux de socialisation pour avoir un tant soit peu de crédibilité à s’exprimer ?
Le peu d’énergie mentale que j’emploie à lire passe dans mon association de photographie et autant vous dire que ça me met sur les rotules. Mais c’est plus important que de militer. C’est ce qui fait que je ne sombre pas dans le néant de la dépression. J’suis déjà complètement barge, pas la peine d’en rajouter.
Et puis bon, vous le savez… Y a comme qui dirait une pandémie en cours. Ben les confinements, déconfinements, reconfinements, couvre-feu, sauce extrême-droitisation du champ politique saupoudrés de scandales d’Etat hebdomadaires, ça a UN PEU tendance à rendre zinzin. Ca fragilise déjà tout le monde, alors imaginez ce que c’est pour tous ceux qui ont déjà du mal avec eux-même en temps normal.
Remarquez, ça donne le temps de réfléchir, et c’est pas plus mal. Même si ce n’est pas forcément pour le mieux. (paradoxal, je sais)
Je me souviens, en 2015 je me suis découverte asexuelle aromantique. Bah vi. Forcément.
Ce qui ne m’avait jamais sauté aux yeux tant c’était une évidence fabriquée par une absence totale de mots pour le penser, j’ai fini par l’apprivoiser, comprendre que je n’étais pas hétéro. Comprendre que j’avais d’autres sujets de préoccupation que le sexe, que ce n’était pas grave.
Mes parents, personnes formidables malgré leur incapacité à vraiment piger le besoin de ce genre de mots, ont admis ce fait (sans les mots pour le désigner, qui n’avaient aucun intérêt à être mis sur la table) en jouant la carte de la « diversité hormonale ». L’idée que tout le monde n’est pas aussi tiraillé par ses hormones, quoi. Mais bon, que j’suis encore une fois un sacré numéro.
En 2015 aussi, j’avais réussi à formuler une drôle de phrase. L’arbre de l’asexualité cachant TOUJOURS la forêt de l’identité de genre, j’avais fini par accoucher d’un « Je suis un homme défaillant »… Un an ou deux plus tard, des imbéciles notoires d’un forum m’avaient d’ailleurs qualifié de « pas un vrai homme ».
Ce qui est amusant avec ce « homme défaillant », c’est que les fans de microdéfinitions dans la vaste galaxie queer ont sans doute déjà levé un ou deux sourcils de manière spasmodique.
…Non, je plaisante. En fait ils savent déjà où je veux en venir.
Bah oui parce qu’une fois le bilan de mon histoire personnelle, adolescente en particulier…
…Il ne reste que le substrat, l’angoissant substrat d’un genre qui n’est pas celui auquel on m’a assignée.
Bah nan, patate.
J’ai toujours du mal à l’écrire, et j’appréhende ce que ça pourrait déclencher.
Mais clairement je relève plus de la meuf transgenre que du mec cis…
Traduisez : « J’ai un pénis et des testiboules, mais j’ai jamais vraiment réussi à m’associer à la culture masculine, ni à vraiment m’y sentir à ma place, désirée ou même vraiment acceptée. »
Après, on peut gloser longtemps sur ce que ça peut signifier pour une schizo (probablement autiste aussi) qui a un esprit un peu bancal depuis sa naissance.
Quand on ne socialise pas à l’école, ni au collège, ni au lycée. Que le jeu des amis et amies, que le jeu des bandes de potes, c’est pas pour soi, que l’ensemble des groupes vous environnant vous perçoit comme un débris encombrant, ou au mieux comme une mascotte un peu étrange… Quand au final vous n’êtes jamais prise pour l’égale des autres, ni comme totalement humaine…
…Votre construction de genre, malgré toute la bonne volonté, malgré tous les efforts de votre famille, elle est forcément de guingois. Pas très solide, pas très stable.
Alors voilà.
Schizophrène
Probablement autiste.
Epileptique.
Asexuelle.
Aromantique.
Trans.
Je suppose que dans ce genre de situation il est normal de s’attendre à tomber à nouveau sur une autre pépite de l’improbabilité co(s)mique et multiproportionnelle.
« Ca fait beaucoup, là, non ? »
Oui, moi aussi je trouve. Mais en fait j’suis pas étonnée. Plus tu es neurologiquement de traviole, plus forcément les originalités s’accumulent.
C’est pas une tare d’être trans, ace ou aro, hein.
Mais c’est clairement pas une identité qui appartient au champ de la norme. Donc oui, j’suis une originale.
Certaines de ces étiquettes… Ce ne sont que des définitions sur un penchant, une tendance.
D’autres sont des problèmes de santé neurologique qui mettent mon énergie mentale et physique à rude épreuve.
D’autres sont juste des faits, une divergence cérébrale qui ne serait pas grand chose si notre environnement pouvait s’y adapter.
Le plus lourd à supporter dans tout ça, c’est le poids du silence.
Non, pas de devoir taire sa nature profonde.
Le silence d’un milieu vaste et fascinant, terriblement tentant mais à jamais inaccessible, qu’est celui des luttes.
Les militants handis, queers, et même plus largement politiques… Parlent au final entre militants, entre gens capables de discourir ou se battre pour des idées vastes, qui transcendent notre petite existence mortelle.
Moi de mon côté, je n’ai jamais pensé ce lieu que comme un lieu de solitude.
Internet pour moi ça a toujours été un lieu d’observation du monde extérieur, mais où ma parole ne porterait pas.
Parce que même si la parole est donnée à tous…
Parce que même si le droit de parler de ce qui nous plaît nous est donné…
…Encore faut-il être lue.
…Encore faut-il être capable d’échanger, débattre, protester, argumenter. Et embrasser cette gigantesque et tentaculaire ère des réseaux sociaux où un milliers de followers n’est rien et où la moindre parole dite avec assez d’à propos peut soulever des montagnes.
C’est un monde si grand, trop grand.
Je viens d’une ville de moins de 30 000 habitants.
Je suis allée une fois à Toulouse, c’était déjà mille fois trop grand pour moi, j’ai eu l’impression d’être dans une ville vertigineuse à simplement marcher dans son centre-ville.
Je ne suis pas capable de penser « mon action » comme ayant un impact. Parce que de mon point de vue, ce lieu ne sera jamais décisif. Je ne serai jamais décisive. Je ne l’ai jamais été. Ma parole n’a que rarement compté dans des décisions collectives.
Alors oui, j’ai dit des masses de conneries sur ce blog. Des choses qui au final ont entériné jusque dans ma propre caboche des douleurs comme normales.
Et je sais que je ne serai jamais une bonne militante. Je pense même d’ailleurs que jamais je n’aurai la voix nécessaire, ou même l’intelligence sociale nécessaire pour porter un argument tenable en place publique. Je ne serai jamais une militante.
Je suis tout au plus l’exemple-type de la nana paumée qui essaie de dire des choses intelligentes, mais sans avoir reçu l’instruction nécessaire.
Comme le matheux amateur qui croit trouver en boucle la solution à la production d’énergie infinie par manque de culture scientifique.
Alors oui j’ai dit masse de conneries. Et cette nuit, ça m’empêche encore plus de dormir que d’ordinaire. Et cette nuit encore, je profite de ce que cet espace existe toujours, cet espace fait de pensées noires et insomniaques sans queues ni têtes, décousues, incohérentes, absurdes, et parfois vaguement sensées.
Je suis fatiguée de cette pandémie. Il y a fort à parier que sans elle jamais je n’aurais mis le doigt sur ce que cachait cet « homme défaillant ».
Je suis fatiguée tout court en fait.
Voilà. Durant toute la rédaction de ce billet, je tremblais comme une feuille morte.
Les tremblements ont cessé.
Dont acte.
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